Le monde vit une période de conflits et de tensions sans précédent. Que ce soit des affrontements militaires, des tensions économiques, des crises politiques ou sociales, l’impression que l’humanité entière est assise sur un volcan qui peut à tout moment entrer en éruption est de plus en plus ressentie. Le continent africain n’échappe pas à cette tendance.
Coupure d’internet, nouvel instrument de répression en Afrique
Ces crises ou tensions lorsqu’elles se produisent s’accompagnent de mesures de répression tout aussi brutales qu’inattendues, voire à la limite du raisonnable, de la part des dirigeants. Parmi celles-ci, la coupure d’internet tient une place spéciale au palmarès. Elle est de toutes les mesures de répressions de crises sur le continent. Dans une manœuvre d’arranger les élections pour un camp, couper internet est l’instrument favorite pour disposer du temps nécessaire pour refabriquer les résultats une fois le vote terminé. On évite ainsi que les vrais décomptes des voies puissent être communiqués en temps réels comme le permet internet.
C’est également cette puissance d’accélération des communications que permet internet qui lui vaut aussi d’être coupé par le pouvoir lorsqu’il veut étouffer tout désir de manifestation du peuple face à des décisions impopulaires. En empêchant la communication via internet avec le reste du monde, les régimes qui y ont recours tentent ainsi de contrôler l’information et de minimiser l’ampleur des troubles.
Les résidents de pays ayant connu des coups d’états sur le continent ces dernières années ont fait aussi l’expérience de se voir couper du monde des heures, voire des jours. C’est malheureusement les premières décisions des juntes lorsqu’elles s’emparent du pouvoir. Il ne s’agit pas de rejeter toute idée de contrôle de l’information d’autant plus que la mauvaise information, dite fake news peut avoir des conséquences aussi désastreuses pour l’équilibre des sociétés. Il s’agit de prendre la mesure des conséquences avant la décision.
Pas besoin d’être économiste pour mesurer la place qu’occupe internet dans la vie sociale et économique en Afrique et les conséquences qu’engendre sa coupure, même si elle ne dure que quelques heures. Il est utilisé pour les paiements au quotidien, les règlements de factures, les achats en ligne de médicaments et autres biens d’usages. Internet reste aussi malheureusement un des principaux canaux d’information sur le continent où l’accès à une chaîne d’information nationale est loin d’être à la portée de tous les citoyens.
Internet est aussi utilisé par des étudiants chercheurs africains pour donner ou recevoir des cours à distance. Les dirigeants de PME et même des grandes entreprises ne peuvent se passer désormais des outils de réunions, téléconférences ou de travail à distance qu’il offre, lesquels permettent aussi à des cadres présents sur le continent de pouvoir offrir leur collaboration (via le télétravail) à des entreprises basées à l’autre bout du monde.
Lorsqu’ils décident de couper internet les gouvernements entendent souvent éviter que ce qui se passe dans le pays ne soit relayé sur les réseaux sociaux, ignorant que internet ne se réduit pas aux réseaux sociaux. Ils ne prennent la mesure ni des conséquences économiques, ni du risque d’image que cela renvoie. Dans un article intitulé « En Afrique, un risque politique persistant », le journal Le Monde nous livre cette estimation du coût de la censure dans le contexte des tensions en cours au Sénégal « La facture d’une heure de censure numérique s’élèverait à plus de 332 000 dollars (307 000 euros), selon l’organisation NetBlocks, qui constate que les autorités sénégalaises sont désormais promptes à verrouiller la Toile à chaque poussée de fièvre. »